État des lieux : L’adoption de l’IA dans les services juridiques des entreprises
- Business of law
Les données montrent un écart important entre l’intérêt suscité par l’IA générative et son adoption effective. Si que 85 % des sondés du secteur juridique pensent que l’IA générative peut avoir une utilité dans leur travail, selon le récent rapport L'IA générative dans les services professionnels de l’Institut Thomson Reuters, seuls 25 % des employés des services juridiques d’entreprises ont utilisé des outils d’IA générative tels que ChatGPT.
Surfer sur la vague de l’IA
Les équipes juridiques des entreprises du secteur de la technologie subissent des pressions pour adopter l’IA générative, tandis que celles travaillant dans des secteurs fortement réglementés – qui hébergent généralement aussi des données clients sensibles – sont beaucoup plus circonspects. Dans les deux groupes, nombreux sont ceux qui saisissent l’opportunité d’investir dans des outils d’IA établis et spécifiques au domaine juridique, même si l’IA générative n’est pas encore intégrée à ces outils. Comme le montre le tableau ci-dessous, les principaux usages dans les services juridiques des entreprises sont centrés sur la consommation et la génération de documents juridiques (y compris les contrats) de manière cohérente et efficace.
Les 5 principaux cas d’utilisation pour ceux qui utilisent ou prévoient d’utiliser la GenAI.
Voir le tableau ci-dessous
On notera que les outils sélectionnés pour la rédaction des contrats internes, la révision et l’analyse des données ajoutent généralement des fonctions d’IA générative ; il ne s’agit pas d’outils d’IA de création récente. Reflétant la maturité croissante de la fonction des opérations juridiques, de nombreux départements juridiques sont agnostiques quant à la « mécanique » des modèles d’IA ou d’IA généative, tant qu’ils obtiennent les résultats escomptés (amélioration de l’efficacité sans sacrifier la qualité ou ajouter des risques).
Adopter une approche mesurée
Pour les services juridiques des entreprises, surfer sur la vague de l’IA générative nécessite de prendre les bonnes mesures dans le bon ordre. Voici le schéma type :
- Conseiller l’entreprise — Beaucoup se concentrent d’abord sur le développement des connaissances, des politiques et des opportunités d’engagement pour s’assurer que l’IA générative est utilisée de manière responsable dans l’ensemble de l’entreprise.
- Présenter les arguments — Dans beaucoup de cas, c’est le plus grand défi car les gains de temps prévus ne sont pas aussi convaincants que les économies de coûts et parce que les modèles de tarification de la plupart des outils d’IA générative ne sont pas encore clairs.
- Préparation et expérimentation — Cette étape implique non seulement l’élaboration d’une politique, mais aussi la constitution de groupes de travail, l’identification d’usages potentiels, la collecte de documents ou de contrats exemplaires à des fins d’expérimentation, et la réalisation de projets pilotes, avec ou sans fournisseurs de solutions externes.
- Encourager l’adoption — Paradoxalement, après tous ces préparatifs, nombreux sont ceux qui passent rapidement de la gouvernance à l’encouragement de l’utilisation des outils disponibles, la curiosité et l’enthousiasme initiaux cédant la place à l’inertie.
Des conseils pour réussir l’adoption
Depuis quinze ans qu’Epiq assiste les services juridiques des entreprises, il n’y a jamais eu d’expérimentation aussi poussée d’un ensemble de technologies en évolution rapide. C’est le moment de s’appuyer sur les compétences intrapreneuriales, en aidant l’organisation à innover sans développer de lassitude face au changement.
Les conseils suivants peuvent être utiles à ceux qui souhaitent surfer sur la vague de l’IA pour trouver des solutions juridiques plus efficaces.
- Choisissez soigneusement les cas d’utilisation pilotes. Incitez les parties prenantes à formuler des idées sur les points problématiques auxquels l’IA ou l’IA générative pourrait remédier, puis sélectionnez un ou deux usages potentiels qui constituent les meilleurs candidats pour un projet pilote (sans nécessairement cibler le besoin le plus prioritaire). Tenez compte du facteur humain, de la disponibilité d’un contenu abondant et exemplaire sur lequel travailler, d’un cycle suffisamment court pour obtenir des résultats et de la possibilité de comparer avec les pratiques établies.
- Sélectionnez une bonne équipe. Une attention soutenue, de la patience à l'égard des itérations et la volonté d’adopter une approche collaborative et de fournir un retour d’information réfléchi sont autant de qualités essentielles. L’expertise est aussi primordiale, car en dépit de leur puissance, les outils d’IA ou d’IA générative ne remplacent pas un jugement humain nuancé. Ces qualités sont importantes pour les équipes internes et les partenaires externes.
- Choisissez le bon outil pour chaque tâche. Étant donné que dans la plupart des services juridiques, la majeure partie du travail est effectuée dans Microsoft 365, l’utilisation de Copilot est un moyen relativement accessible d’apporter une myriade d’améliorations significatives à la productivité. En s’y habituant dès maintenant, les membres de l’équipe seront préparés à l’appliquer à des cas d’utilisation plus sophistiqués au fil du temps. N’oubliez pas non plus qu’il est utile de disposer de plusieurs outils. Les options echnologiques de l’IA générative prennent des formes variées. Un partenariat avec les services informatiques ou les fournisseurs de solutions juridiques peut s’avérer très utile pour sélectionner les bons modèles de langage étendus (LLM) pour des usages spécifiques ou pour développer des outils hybrides.
- Ne négligez pas les processus de travail. L’enthousiasme suscité par l’application de l’IA au domaine juridique amène certain à choisir des solutions ponctuelles basées sur l’IA qui manquent de processus de travail et de fonctions administratives permettant de s’assurer que seules les bonnes personnes ont accès à certaines informations. Ainsi, dans l’esprit des recommendations précédente au sujet du choix des bons outils, ne négligez pas les solutions établies d’automatisation des contrats et des flux de travail à code faible ou sans code basées sur l’IA qui disposent de contrôles utiles pour gérer le travail, assurer la sécurité et générer des données et des rapports utiles.
- Appliquez le manuel de gestion du changement. Il ne faut pas sous-estimer la quantité d’explications et de formations nécessaires. Les responsables des services juridiques qui réussissent le déploiement de l’IA générative aident continuellement les utilisateurs à comprendre comment définir les personnalités juridiques, rédiger des invites efficaces et itérer pour obtenir les résultats souhaités. En outre, ils adoptent une approche personnalisée avec les collègues ou les groupes de pratique, en fournissant des exemples et des analogies, et en révisant rapidement la composition de leurs groupes de travail et les cas d’utilisation au fur et à mesure que l’expérience s’accumule.
En sélectionnant soigneusement des cas d’utilisation pilotes, en réunissant des équipes bien adaptées, en choisissant les bons outils et en appliquant des pratiques de gestion du changement, les services juridiques peuvent combler le fossé entre l’intérêt envers l’IA générative et son intégration réussie.
Catherine J. Moynihan est directrice principale de l’intelligence stratégique et du conseil pour le Groupe de conseil juridique aux entreprises d’Epiq. Elle supervise Hyperion Research, le programme d’intelligence du marché juridique d’Epiq, et dirige les programmes d’intelligence juridique pour les cadres juridiques mondiaux qui se concentrent sur la transformation des opérations juridiques.
Mme Moynihan a rejoint Epiq après avoir travaillé pour l’Association of Corporate Counsel (ACC), où elle a lancé et dirigé la section des opérations juridiques, qui fournit des services de recherche, d’éducation et de partage des connaissances en vue d’améliorer l’efficacité opérationnelle. Elle s’est distinguée en développant le modèle de maturité des opérations juridiques de l’ACC, la boîte à outils et la formation, ainsi qu’en dirigeant le programme ACC Value Champions afin d’identifier et de diffuser les meilleures pratiques.
Mme Moynihan est titulaire d’un MBA de l’université de Columbia et d’une licence en relations internationales et en anglais de l’université de Virginie. Elle est membre et administratrice du College of Law Practice Management, qui récompense les meilleurs professionnels de la gestion des cabinets d’avocats.
Cet article est destiné à fournir des informations générales et non des conseils ou des avis juridiques.