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Le rôle de l’humain dans le règlement des differends assisté par l’IA

  • Business of law
  • 2 mins

L’intégration de l’IA dans le travail de règlement des differends laisse aux avocats humains tout l’espace pour offrir une meilleure valeur aux clients sans diminuer leur rôle de conseiller et de défenseur. C’est le principal enseignement de la table ronde « Réconcilier l’intelligence des données avec le jugement humain dans la prise de décision juridique » lors de la London International Disputes Week 2024. L’échange portait sur cet aspect délicat et parfois controversé de l’IA : quel rôle l’avocat joue-t-il dans le règlement des differends lorsque l’IA est de plus en plus capable d’augmenter ou même de remplacer une partie du travail manuel ?

Lorraine Medcraft,  vice-présidente du département Court Reporting d’Epiq, a animé une discussion avec Peter Nussey, CRO de Solomonic, un fournisseur de solutions d’intelligence en matière de litiges, et Guy Pendell, associé au sein du cabinet de résolution de litige CMS Cameron McKenna Nabarro Olswang LLP et fondateur de pinqDR, un plateforme de différends en ligne.

La responsabilité des résultats juridiques

L’IA est appelée à effectuer une partie du travail dont se chargaient auparavant les avocats en matière de règlement des differends : la synthèse des documents, la rédaction des contrats et des documents juridiques, l’utilisation de l’IA générative pour produire des propositions d’arbitrage en vue d’une audience et, dans un avenir pas si lointain, l’analyse des transcriptions d’audiences pour repérer les incohérences par rapport au dossier documentaire.

Guy Pendell l’a bien résumé : « L’intelligence artificelle avocate déjà bien »… Alors, que reste-t-il pour les humains ? 

Tous ces exemples ont en commun le besoin de discernement, que seuls les humains peuvent fournir. Les avocats ne se contenteront pas de remettre la première version d’un contrat  généré par l’IA ou d’un dossier à une autre partie ou à un tribunal. Le droit demeure une profession réglementée dont les autorités compétentes tiendront les humains pour responsables. Guy Pendell explique encore : « À l’heure actuelle, je ne connais aucun organisme de réglementation dans le monde autorisant la technologie à produire des résultats réglementés dans l’espace juridique. L’humain est toujours impliqué, car c’est lui qu’on règlemente et qui, en fin de compte, assume la responsabilité des résultats ». 

Il faut se défaire de l’idée selon laquelle les jeunes avocats doivent effectuer des tâches routinières et subalternes en guise de rite de passage. Les outils d’IA placent les avocats au sommet d’une chaîne de responsabilité, ce qui leur permet de pratiquer le droit en faisant preuve de jugement et de stratégie tout en supervisant le travail de l’IA.

La complémentarité de l’humain et de l’IA dans la détection des biais et des erreurs

Les progrès de l’IA posent la question de ses biais. Les données d’apprentissage créées par l’homme et utilisées par les systèmes d’IA peuvent comporter divers biais sociaux ou autres. Les systèmes d’IA qui apprennent à partir de ces données peuvent reproduire ces biais, ce qui entraîne des décisions néfastes. 

Cependant, l’IA peut tout aussi bien avoir l’effet inverse, en aidant à identifier et à corriger les biais et les erreurs humaines dans le monde « réel ». 

Peter Nussey décrit les défis posés par la détection et la correction des biais dans les systèmes d’IA : « Lorsque nous pensons aux biais de l’IA et aux solutions à y apporter, nous envisageons généralement la réponse en termes de transparence, de capacité d’audit, d’une certaine forme de réglementation. Mais nous pourrions en arriver bientôt à un stade où les humains ne peuvent pas gérer la machine, où les ensembles de données sont si vastes que l’IA nous renvoie des informations que nous ne pouvons pas évaluer ».

Mais que se passerait-il si l’IA évaluait et corrigeait les décisions humaines, et non l’inverse ? Un avocat peut estimer la probabilité d’issue positive d’un procès à 50 % et conseiller son client en conséquence, mais une telle certitude est rare. Les probabilités de succès diffèrent nettement en fonction du type d’affaire. Par exemple, dans le domaine de la fraude, seuls 19 % des plaintes ont une issue positive. Le problème est que les avocats ont tendance à fournir des estimations basées sur les biais inhérents à leur propre expérience. Les solutions de renseignement en matière de litiges, comme Solomonic, peuvent corriger ou équilibrer les biais dans ce type de données.  

Les systèmes d’IA peuvent parfois amener les humains à s’interroger sur leurs propres biais. Les avocats peuvent avoir un point de vue particulier sur quelque chose, interroger un LLM et recevoir une réponse qui les amène à revoir ce point de vue.

Guy Pendell n’est pas insensible à l’ironie de la situation : « Pour les avocats qui se considèrent comme guidés par les preuves et les données, il s’agit d’un apprentissage important. Je dois vérifier si nous proposons une simple opinion ou un avis fondé sur des informations complètes. » L’IA n’offre aucune certitude quant à l’issue d’un dossier, mais permet de s’orienter, en particulier si le taux de règlement semble statistiquement significatif. Les données relatives aux affaires antérieures et l’aide à la décision assistée par l’IA ont une utilité indéniable. Le travail d’avocat nécessite  de traiter des informations anecdotiques, qui ne sont pas toujours exactes. L’IA peut servir à vérifier ces tendances. 

Les systèmes d’IA continueront à s’améliorer au cours des cinq à dix prochaines années. Les avocats et les fournisseurs de technologies juridiques doivent se préparer à un avenir où la partialité et l’inexactitude seront moins tolérées, et adopter des outils adaptés.

Le défi de l’adoption de l’IA dans l’espace juridique

Il est compréhensible que les avocats soient à la traîne dans le domaine de l’adoption des technologies, car ils sont formés à l’identification des risques.  

L’IA présente davantage de risques pour la profession, car elle introduit de nouveaux types de prestataires de services. Bien qu’un client puisse apprécier l’approche conservatrice et traditionnelle d’un cabinet d’avocats, il peut aussi se voir proposer un service basé sur la technologie, exécuté en deux fois moins de temps et pour un prix deux fois moindre.

L’avenir de l’IA dans le règlement des différends

Il est essentiel de se concentrer sur l’IA dont nous disposerons à l’avenir plutôt que sur celle que nous avons aujourd’hui, car la technologie évolue à grande vitesse. Plusieurs développements sont à prévoir dans le domaine du règlement des differends:

  • L'utilisation de l’IA pour les contre-interrogatoires en temps réel. Elle a été testée dans des simulations d’arbitrage, où des questions posées par des tribunaux humains ont été soumises à un système d’IA générative pour produire des réponses, vérifiées par des humains et transmises aux avocats lors de l’audience. Une version future de ce système pourrait comparer les déclarations des témoins et le dossier documentaire pour rechercher les incohérences entre les deux en temps réel.

  • Prévenir plutôt que guérir. Les solutions juridiques basées sur la technologie pourraient bouleverser la profession dans ses fondements mêmes. Une grande partie de la pratique juridique actuelle, en particulier le règlement des differends, consiste à résoudre des problèmes existants. Il existe un avenir alternatif dans lequel l’IA peut introduire des solutions beaucoup plus tôt, ce qui orienterait les services juridiques vers la prévention plutôt que la guérison. Les clients utilisent déjà la technologie pour prendre de meilleures décisions opérationnelles afin d’éviter l’apparition de problèmes. Les avocats doivent veiller à ce que la prévention des risques juridiques participe de ces processus.

  • Un accès meilleur et plus large à la justice. Les clients des plus grands cabinets du monde ont accès à des services de qualité supérieure. Cependant, les outils juridiques basés sur l’IA continueront à faire des percées dans les domaines de l’accès à la justice et à l’expertise juridique, où les besoins sont importants et répandus, mais les services juridiques traditionnels basés sur l’humain sont trop coûteux. La technologie peut apporter l’échelle nécessaire pour mieux servir ces marchés.

  • Un changement culturel en faveur de décisions fondées sur des données. L’un des avantages de l’IA est la volonté de fonder la profession sur les données et de moins s’appuyer sur l’expérience, les intuitions et les connaissances personnelles.


Il y a de bonnes raisons d’être optimiste à l’égard de l’IA et de ses effets positifs sur le règlement des différends. Comme le résume Lorraine Medcraft, « l’IA ne remplacera pas les humains, mais les humains qui utilisent l’IA finiront par remplacer ceux qui ne l’utilisent pas ». La technologie donne aux avocats de meilleurs outils pour offrir les informations et les avis juridiques dont ils ont l’expertise. 

Cet article est destiné à fournir des informations générales et non des conseils ou des avis juridiques.


Cet article est destiné à fournir des informations générales et non des conseils ou des avis juridiques.

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